Retrouvailles père-fils

Après avoir laissé la marquise rejoindre sa famille, le vicomte de Meaux se mit en quète de son fils, qui résidait depuis quelques années ici, aux bons soins du marquis et de la marquise. Le jeune homme était déjà majeur, et le vicomte se demandait se demandait s'il serait à même de gérer un domaine. Il pouvait sans doute, de loin, voir comment évoluait son domaine de Vaux, mais celà n'était pas signe de compétence. Cependant, Melun était à présent inhabité, et il y faudrait au plus tôt un gouverneur capable d'en assurer la gestion en absence du seigneur des lieux. Mais ce n'était pas vraiment pour ça qu'il tenait à voir ce fils. Le voyage avec le cortège royal lui avait amené des nouvelles, il allait bientôt marier la marraine du jeune homme à un baron champenois. Et il serait bon, enfin de lui révéler certains secrets de famille.

Après avoir déambulé dans les couloirs, il finit par le trouver. Il s'approcha de lui, et le salua.


- Bonjour, Louis. Enfin je te trouve. J'espère que tu vas bien...

Il se tut alors, laissant au jeune homme le temps de réaliser. Sans doute ne s'attendait-il pas à voir son père en ces lieux.

Le vicomte était ravi, même s'il ne le montrait que peu. Sa descendance se portait bien, c'était là l'essentiel. Il s'empressa de répondre aux interrogations du jeune homme :

- Ma foi. Le voyage fut plaisant. Les villageois que nous avons put rencontrer semblaient curieux, et envieux de s'entretenir avec la reyne, ou le dauphin. Nous avons également visité quelques grandes cités, l'ancienne capitale des Gaules, Lyon, ou la capitale des ducs de Bourgogne. Mais, on n'est vraiment bien que chez soit, en fait. Et ta soeur fut grandement sollicitée durant tout le voyage, aussi n'ai-je put lui parler autant que je l'aurais souhaité. Mais, elle va bien, rassure toi. Le dauphin aussi se porte bien. J'ai eut l'occasion de m'entretenir quelques peu avec lui, gageons que le royaume aura enfin un jour le roy qu'il mérite, lorsqu'il remplacera son père. Mais nous avons encore le temps, je venais pour te voir et te parler de certaines choses qui concernent ta marraine.

Le vicomte réfléchissait. Il n'avait fait qu'entendre Louis, sans l'écouter vraiment. Il ne savait comment commencer, tout celà était délicat. Il avait pourtant répété milles et une fois, dans sa tpete, ce qu'il devrait lui dire, révéler à son fils que la marraine qu'il avait, était aussi sa soeur. Tout celà n'était vraiment pas simple. Peut être que revenir au tout début de cette histoire était le plus simple. Il commença par répondre à son fils, se donnant encore quelques instants :

Et bien, c'est une bonne chose en effet. Je pense que Matthilde voudra rester un peu ici, en compagnie de sa fille, qui lui a terriblement manquée. Mais, je doute qu'elle t'empêche d'aller rendre visite à ta marraine.

Il prit alors une profonde inspiration, fouillant dans sa mémoire, à la recherche de souvenirs lointains, revivant la chaleur d'une soirée de fêtes. Celà datait. Plus de trente ans déjà. Il était temps que tout celà cesse, aussi commença-t-il :

Laisse moi te raconter une histoire. C'était il y a fort longtemps. Un jeune homme, un peu plus âgé que toi, cadet d'une famille noble, et logiquement destiné à une carrière ecclésiastique. Malheureusement, ou heureusement, ce jeune homme est en conflit avec son père, aussi a-t-il laissé tomber cet avenir qui lui était tracé pour partir, voyager, et passer sa jeunesse à combattre.

Un jour, sa route solitaire le mène dans un petit village. Le soir, une grande fête est organisée au village, pour fêter l'arrivée de l'été. Ce jeune homme, fatigué par les chevauchées incessantes, profite de cette fête. L'accueil des habitants est chaleureux, il prend place à table, se nourrissant bien mieux que le reste du temps. Et puis, après le repas, quelques musiciens prennent place, et les gens commencent à danser. Le jeune homme se même à eux. La nuit est belle, le ciel parsemé d'étoiles. Le vin qui a coulé à flot, l'arrivée de l'été, tout celà rend la place du village festive.

Le jeune homme rencontre alors une jeune demoiselle du village, de quelques années sa cadette, et qui porte du vin à ceux qui le demandent. Ils commencent à parler, et s'éloignent peu à peu de l'agitation de la place. Sous les étoiles, ils vont boire à cette rencontre. La soirée festive, le vin, tout celà a joué son effet sur les deux jeunes gens, qui finissent par s'éloigner totalement, s'isolant dans une grange. Là, ils vont s'aimer l'espace d'une nuit, découvrant les joies de l'amour dans une tendresse mutuelle.

Le vicomte se tut un instant. Il reprit son souffle, avant de passer à la suite.

Le lendemain, ils se quittent. Avant de partir, le jeune homme remet à sa compagne d'une nuit un médaillon qu'il portait autour du coup, un médaillon de sa jeunesse, pour qu'elle garde un souvenir de cette nuit de solstice d'été. Il s'en va alors, à cheval, vers d'autres aventures. Il finira par rentrer chez lui, plusieurs mois plus tard, auprès de son père et de ses frères. Il y entre régulièrement en conflit avec ce père, tâchant de protéger le plus jeune de sa fratrie. Il quitte par la suite définitivement le domaine, et retourne errer sur les routes du comté, attérissant finalement dans une cité qui l'accueille, et où il commence alors une nouvelle vie, loin de sa terre natale.

La jeune fille, elle, reste dans son village. On se rend bientôt compte, dans sa famille, que quelque chose à changé en elle. Son père devine alors ce qui se passe, et la marie à un fermier d'un village un peu lointain, peu regardant. Quelques mois plus tard, elle accouche d'une petite fille. Le fermier en question la reconnait comme sienne, bien qu'il sache qu'elle ne soit pas de lui, ayant épousé une fille enceinte. Avant de quitter ce monde, elle remettra à sa fille le médaillon, lui expliquant sa provenance. La jeune fille quittera le domaine de son père adoptif, suite à quelques évenements malheureux, pour se rendre dans la cité la plus proche, afin d'y bâtir sa vie, loin de ce passé.

Les années passent, la fillette grandit, le jeune homme vieillit. Chacun refait sa vie. Un soir, le jeune homme du début, qui depuis que nous l'avons laissé, a rejoint l'équipe des conseillers du duc des terres où il vit et en est devenu l'un des plus proches conseillers, a été fait baron, et participe à la gestion de la province, le jeune homme donc, quitte la cité pour rejoindre son domaine baronnal. Traversant la forêt, il rencontre une des jeunes filles de la cité. Ils commencent tous deux à parler, au clair de lune. Une amitié semble naître en eux, et les confessions se font naturellement.

Alors que la discussion se prolonge, dans la nuit, la jeune fille en question sort un médaillon, pendant à son coup. Le baron reconnait ce médaillon, celui qu'il a remit à une jeune femme, de longues années auparavant. La jeune fille à qui il cause depuis un long moment est la fille de celle qu'il a connut, et qui est venue s'installer dans la même cité, comme si Aristote les avaient rapprochés exprès. La jeune fille explique au baron la manière dont elle a obtenu le médaillon, que sa mère lui avait dit qu'il venait du père qu'elle ne connaissait pas, et ne verrait sans doute jamais. Le baron comprend alors qui est cette jeune fille, elle est son sang, issue d'une union au soir de ce solstice d'été, et lui en fait part.

Le baron est marié, il a déjà eut une fille, légitime. Ils vont alors garder cette filiation cachée, réservant la vérité à quelques proches. Le baron a quelques peurs sur la façon dont on prendrait cette nouvelle, si celà se savait. Il est personnalité importante de la province, n'a pas que des amis, et ne tient pas à ce que sa fille soit utilisée pour l'attaquer. La vérité va donc rester bien dissimulée, le père et sa fille trouvant quelques réconfort dans de courts et rares moments d'intimité.

Nouvelle pause dans l'histoire. Le vicomte avait besoin de souffler à nouveau. L'histoire était dite, il ne manquait qu'une chose : mettre un nom sur les personnages, afin que tout soit dit. Appréhendant la réaction de son fils, ils conclut ainsi :

La ferme où la jeune fille est née et a grandit est sise au lieu dit de Champmarin. Sa mère, celle qui se trouvait dans cette grange, le soir du solstice d'été, s'appelait Melaine. Elle baptisa sa fille Jesabel, même si celle ci préfère aujourd'hui se faire appeler Siva. Quand au jeune guerrier, devenu baron, il est le cadet du seigneur d'Offémont, Arnulf. Il s'agit de moi...

Et voilà, c'en était finit de ses souvenirs. Il avait tâché de dire ce dont il se souvenait, même si tout n'était peut être pas juste, sa mémoire lui jouant parfois des tours. Il attendit donc la réaction du fiston...