Le Salon

Louis entra dans le salon. Il avait passé un peu de temps à explorer le castel qui était désormais sa résidence. Celui ci était bien différent de celui où il avait grandit, à Melun. Il avait, suite à la naissance de son neveu, l'héritier du royaume, reprit la route vers la Champagne en compagnie du Marquis de Nemours, jusqu'à sa résidence de l'Epine. Il y avait alors rencontré son épouse, celle là même qui avait aidé la reyne a mettre au monde son fils. Les deux personnes qui allaient poursuivre son éducation, et l'amener à l'âge adulte, s'étaient montré très aimables avec lui et, s'il ne se sentait pas totalement à l'aise encore, comme avec toute personne qu'il avait loisir de rencontrer, il se sentait beaucoup de sympathie pour eux deux.

Arrivé devant la marquise, assise dans un beau fauteuil, il inclina la tête avec respect et murmura d'une voix douce.

"- Bonsoir, dame marquise. Vous m'avez fait mandé et me voici. Que puis-je pour votre service ?"

Louis regarda du coin de l'oeil la maîtresse de maison, attendant qu'elle ne lui dise quoi faire.

Installée confortablement, et n'étant pas du genre à prendre l'aiguille et la tapisserie, elle lisait quelques manuscrits afin d'y trouver quelques semblants d'aide pour l'éducation du jeune Louis-Raphaël...

Jusqu'ici, Matthilde n'avait encore eu autre jeune à éduquer... Ses Frères Alessandro et Arturo avaient été confiés par ses soins à de très grands dignitaires italiens afin de parfaire leurs éducations, et Matthilde ne savait donc trop comment s'y prendre ou même comment ne pas tout présenter d'un coup et provoquer la confusion...

Elle opta donc pour le dialogue, l'écoute du jeune homme afin de le cerner un peu mieux et de pouvoir le guider...

C'est alors qu'il entra dans le salon... Elle redressa la tête, tout en refermant le manuscrit et lui sourit...

Louis-Raphaël, je suis heureuse de vous revoir. En effet je vous ai fait mander, je vous en prie Elle lui fit signe de s'installer en désignant du doigt un fauteuil placé de côté non loin du sien installez-vous.

Mon but n'est pour l'heure, guère celui de vous faire faire quoique ce soit. J'aimerais si vous n'y voyez pas d'inconvénient, échanger un peu avec vous afin de mieux vous connaître, de mieux connaître vos désirs futurs, vos souhaits d'orientation d'adulte. Et enfin, j'aimerais surtout savoir ce que vous avez déjà appris jusqu'à ce jour afin d'éviter de vous faire perdre votre temps, d'autant que vos parents ont certainement dû vous apporter tout ce dont vous aviez besoin pour votre départ éducatif.

Après s'être exprimée d'un ton calme, d'une voix douce, le regard se voulant confiant et mettant son interlocuteur à l'aise, elle se tut et lui laissa prendre parole...

Sur l'invitation de la marquise, Louis s'installa dans un fauteuil, un peu tendu par la discussion qui s'annonçait. Il écoutait en souriant, mais intimidé, les mots de la maîtresse de maison, apprenant ainsi la raison de sa venue, ce soir. Lorsqu'elle eut finit, il prit quelques instants pour réfléchir à la question, encourager par le sourire radieux de celle qui allait assurer son éducation pour les années à venir.

"- Et bien, ma dame, au domaine de messire mon père, à Melun, j'ai reçut un enseignement de la part d'un vieux moine de l'abbaye Saint-Père de Melun. Il m'a ainsi apprit à lire, à écrire, à compter, même si je ne maîtrise pas encore totalement ces arts. Il a commencé à me donner des cours sur plusieurs domaines, tels que l'histoire ou la géographie. Il devait aussi m'enseigner la théologie et la vie d'Aristote, mais il était quelques peu...comment dire...desordonné, et il n'a jamais eut le temps de m'en apprendre plus que les quelques bases que j'ai."

Louis se tut alors, surprit lui même d'avoir parler autant sans bafouiller ou hésiter. Il grandissait et prenait un peu d'assurance, ce qui n'était pas un mal.

Matthilde écoutait Louis Raphaël s'exprimer avec la plus grande des attentions. Alors qu'il parlait, elle l'observait, l'écoutait acquiessant alors d'un signe de tête lorsqu'il évoqua le fait qu'il avait certes des connaissances mais encore non poussées dans certains domaines qui se voulaient indispensables dans la vie d'un Noble et le rang de Louis Raphaël l'était...

Elle n'avait manqué aucune de ses paroles et notait bien là, le fait qu'une attitude trop hâtive pouvait alors perturber l'avancement de l'apprentissage... Elle se dit alors qu'elle avait bien fait de lancer le dialogue afin de mieux préparer ce dernier.

Toujours souriante et se voulant avant toute chose, rassurante elle reprit d'un ton souple, calme mais clair...

Parfait, jeune homme, je note donc qu'il va vous falloir revoir un peu de ces connaissances que sont l'histoire, la géographie, la lecture et l'écriture quant à elles, puisqu'elles vous sont enseignées, ne seront parfaites que grâce à l'entraînement.

Je veillerais alors à vous entraîner à la calligraphie. L'art de la plume et de l'encre couchée sur le parchemin est en effet une matière demandant patience, application et précision. C'est a travers votre écriture que vous prendrez votre style. C'est également a travers celle-ci que vous montrerez votre personnalité et que vous l'affirmerez aux yeux de vos lecteurs.

Notre langue françoise est loin d'être des plus simples. Elle comporte de très nombreuses bases qui nous viennent du latin.

Connaissez-vous cette matière Louis Raphaël ? Si ce n'est pas le cas, n'y voyez rien de grave, cela fera partie de l'apprentissage, j'y veillerais.

Cependant, de la lecture naît l'art oratoire. Il vous faudra pratiquer cet exercice en lisant à voix haute. Ainsi vous gagnerez en assurance. lui faisant un petit clin d'oeil pour détendre on ne peut plus l'atmosphère qui semblait laisser le jeune homme un tantinet mal à l'aise Et puis, quoi de plus agréable que de se faire faire la lecture lorsque celle-ci est accompagnée d'une voix si douce et posée que la vôtre.

Elle observa alors un tant de pose afin de voir quelle réaction aurait là, à ces explications, le jeune Louis Raphaël. Elle avait pu déceler un soupçon de soulagement lorsqu'il eut terminé de s'exprimer. Il allait lui falloir lui enseigner cet art d'être à l'aise en compagnie, de s'exprimer sans aucune gêne, de s'ouvrir à son publique afin de montrer une certaine prestance accompagné d'un charisme certain...

Ne soyez guère effrayé, nous irons à votre rythme, nous avons tout le temps pour se faire et parfaire tout ceci.Elle n'avait laché son sourire tout en lui parlant

Louis écouta avec grande attention la réponse de la marquise. Elle s'exprimait avec aisance et Louis observait plus son interlocutrice qu'il ne l'écoutait. Il dut faire de nombreux efforts pour rester attentif un tant soit peu, et suivre tout de même la discussion. La confortabilité du fauteuil, la chaleur du feu dans la cheminée, la douce voix de la marquise, Louis commençait à se détendre, et un sourire un peu bêta se dessinait sur son visage. Son précepteur lui avait imposé ce que lui voulait partager comme science, elle, elle lui demandait ce qu'il avait apprit, et semblait s'interesser à son avis. Il avait encore beaucoup à apprendre, et nul doute qu'en compagnie de la marquise de Nemours, cet apprentissage serait fort agréable. Son père lui avait dit combien il appréciait la marquise et que leur amitié datait de plusieurs années, et Louis se rendait compte qu'elle en était en effet fort digne, sur les premières impressions qu'il avait d'elle. L'esprit pensif, il se rendit compte qu'elle lui demandait quelque chose. Il fouilla dans sa mémoire qu'elle avait été la question et, timidement, répondit, inquiet de répondre de travers.

"- Mon précepteur m'avait parlé un peu de cette langue, il m'en avait donné quelques locutions, mais sans jamais entrer dans les détails. 'Plus tard' disait-il souvent. Et donc, je ne la connais pas. Mais, si vous le jugez nécessaire, alors j'apprendrai."

Dans l'esprit de Louis résonnèrent alors quelques mots de la marquise. "une voix si douce et posée que la vôtre" Louis ne put s'empécher de rougir suite à ces mots. Il n'avait que peu souvent l'occasion d'entendre des compliments sur lui, et il était toujours gêné, malgré le plaisir qu'il en retirait. Il ajouta alors :

"- Dame marquise, si je puis me permettre, quand commencerons-nous ?"

Louis baissa alors le regard, regrettant presque sa dernière remarque. Il n'aurait sans doute pas dut demander celà, mais il était trop tard à présent...

Alors qu’elle lui parlait, elle poursuivait dans l’observation du jeune garçon. Il semblait attentif mais l’attention ne devait être soumise à rude épreuve, il était encore jeune et un temps limité devait lui être imposé. Il s’agissait là d’un rythme à prendre et à apprendre.

Elle voyait bien qu’il ne gardait toute son attention fixée et il était bien normal qu’il réagisse ainsi. Pourtant elle se demandait s’il avait su l’écouter malgré tout.

Elle fût rassurée lorsqu’elle vit que l’essentiel était retenu. Il apprendrait donc vite et ne poserait aucun souci dans l’avancement de ses démarches.

Elle l’écouta une dernière fois pour la soirée, s’exprimer et voyant alors cette petite fougue lorsqu’il prit la parole pour lui demander quand commenceraient les leçons elle lui sourit et répondit

Pour ce soir Louis Raphaël, la nuit vient de s’étendre dans nos cieux laissant place à son astre qui viendra éclairer le sentier des bergers qui viennent à rentrer leurs troupeaux à la bergerie à cette époque de l’année.

Nous commencerons les leçons dès que possible mais je vous libère. Je pense que nous avons pu échanger suffisamment pour ce soir.

Je vous souhaite une bonne nuit de repos et qu’elle vous soit réparatrice, demain sera une longue journée pour vous croyez-moi.

Elle se redressa et l’accompagnant vers la porte elle lui tendit alors la main, commençant déjà la leçon de savoir vivre et savoir se tenir afin qu’il puisse la saluer comme un « grand »

Louis suivit la marquise jusqu'à la porte du salon, puis se tourna face à elle. Elle était bien plus grande que lui, et il devait lever les yeux pour atteindre son regard. Il répondit, impressioné par le rapport de hauteur.

"- Et bien, je vous souhaite une très bonne soirée, dame marquise, et vous attendrai demain dans la bibliothèque. Je prend donc congé de vous, ma dame."

Louis prit alors la main tendue et tout doucement, se répétant chacun des gestes à faire, il approcha ses lèvres de la main de la marquise, veillant à ne pas les effleurer, puis la relacha délicatement, recula dans le couloir, salua une dernière fois la maîtresse de maison et partit dans les couloirs en direction de ses appartements, la mine réjouit par cette vie à l'Epine qui commençait.